Une révolution se prépare sur le guidage de la lumière.
Une autre révolution qui s’amorce est celle du transport, du stockage et du guidage de l’information. Aujourd’hui guidée dans des réseaux de fibres optiques, l’information à haut débit sera demain également guidée dans des composants intégrés probablement sur des puces de silicium et de nouvelles formes de guidage doivent être pensées pour à la fois réduire la consommation énergétique et tenir compte de la propagation trop rapide d’impulsions optiques. Ces impulsions optiques se propageant à une vitesse de l’ordre de plusieurs centaines de milliers de kilomètres par seconde (vitesse de groupe proche de la vitesse de la lumière dans le vide), le traitement de ces impulsions par des systèmes physiques actuellement intégrés dans des systèmes électroniques nécessite de ralentir ces impulsions. Par ailleurs pour des raisons de consommation énergétique, il serait idéal que la lumière se guide elle-même dans des structures guidantes qu’elle aurait ainsi créées elle-même.
Notre spécialisation : étudier la propagation de la lumière dans des matériaux optiques non-linéaires.
Nous pensons que ces deux challenges peuvent être adressés en exploitant la richesse à nouveau de la dynamique non-linéaire de la lumière. Nous étudions depuis de nombreuses années la propagation de la lumière dans des milieux dits non-linéaires, c’est-à-dire qui conduisent à une interaction non-linéaire entre la lumière qui les traverse et la matière. Plus spécifiquement notre spécialisation est sur les matériaux dits photoréfractifs. L’effet photoréfractif est un effet non linéaire consistant en la modification locale de l’indice de réfraction d’un milieu due à une illumination. Si un faisceau laser unique est envoyé sur la face d’entrée du matériau, par effet Pockels correctement polarisé, il apparaît une augmentation locale de l’indice de réfraction, donc un effet d’autoguidage du faisceau. Cette autofocalisation peut être stable et compenser exactement la diffraction naturelle : le faisceau ne diffracte plus et on peut le qualifier de « soliton spatial ». Si l’illumination est périodique, un réseau d’indice est créé dans le cristal photoréfractif, via un phénomène de mélange d’ondes (Two Wave Mixing). Nos travaux visent à étudier, à la fois théoriquement et expérimentalement, le contrôle de la lumière par la lumière dans des matériaux photoréfractifs : nous nous intéressons à l’inscription photoréfractive de guides ainsi qu’au contrôle d’instabilités spatio-temporelles dans une cavité photoréfractive.
Formation et interaction de solutons optiques
Nous étudions l’auto-organisation spatiale de la lumière… demain nous pourrons inscrire de l’information dans une matrice de structures lumineuses.
Formation d’une structure auto-organisée de lumière (pattern optique)
Dans une configuration de faisceaux contra-propageants, le faisceaux laser incident peut devenir instable via un phénomène d’Instabilités de Modulation et la formation de structures spatiales auto-organisées dites « patterns » peut être observée. La possibilité de former spontanément une structure spatiale régulière (pattern) à partir d’un état spatial homogène a été initialement introduite par A. Turing. Ce mécanisme dit d’instabilité de modulation permettant la formation de ces structures spatiales auto-organisées a été depuis démontré expérimentalement dans de nombreux systèmes photoniques comportant comme milieu optique non-linéaire des vapeurs atomiques, cristaux liquides, films organiques ou encore matériaux photoréfractifs. Nous nous intéressons plus particulièrement au contrôle de pattern optique dans un cristal photoréfractif soumis à une rétrocation optique (simple feedback).
La lumière ne se propage pas nécessairement en ligne droite.
Notre équipe est également l’une des premières à étudier théoriquement et expérimentalement la propagation d’un faisceau optique accélérant dans un matériau photoréfractif. Par faisceau accélérant nous entendons un faisceau optique dont la trajectoire n’est pas droite mais parabolique traduisant ainsi une accélération lorsque le faisceau optique se propage. Parmi les faisceaux accélérant nous sommes particulièrement intéressés par les faisceaux d’Airy. Ces faisceaux possèdent un profil transverse d’intensité qui suit la loi mathématique établie par Airy pour des fonctions d’onde électroniques solutions de l’équation de Schrodinger. Ce profil d’intensité peut être réalisé optiquement grâce à un modulateur spatial de lumière. Avec une telle distribution d’intensité laser, le faisceau optique se propage dans l’air en ligne courbe, comme une particule qui subit l’effet de la gravitation. Au-delà de son caractère accélérant, le faisceau d’Airy possède les propriétés d’être très peu diffractant contrairement à un faisceau optique gaussien, et d’être auto-régénérant lorsqu’il rencontre un obstacle.
Propagation non-linéaire d’un faisceau optique d’Airy
Propagation non-linéaire d’un faisceau d’Airy
Notre équipe a démontré que lorsqu’un faisceau d’Airy traverse un matériau photoréfractif, ce faisceau d’Airy donne naissance à un soliton spatial dit ‘off-shooting soliton’ qui possède des propriétés très similaires à celles des solitons photoréfractifs formés par des faisceaux gaussiens. Notamment en faisant interagir plusieurs solitons créés ici par des faisceaux d’Airy, il est possible de réaliser des guides d’ondes photo-induits donc reconfigurables avec des géométries complexes. Des structures guidantes avec plusieurs entrées et plusieurs sorties et de très bonnes efficacités de couplage ont ainsi été démontrées par notre équipe par interaction de faisceaux d’Airy.
Nos études permettent d’étudier à l’échelle d’un laboratoire des phénomènes analogues à ceux qui concernent les ondes dans l’océan ou la relativité générale.
Les dynamiques spatio-temporelles mises en évidence lors de la propagation non-linéaire de la lumière présentent des analogies importantes avec des phénomènes physiques étudiés dans d’autres systèmes.
Nous avons ainsi pu observer que lors de la formation d’une structure auto-organisée de la lumière (pattern optique), l’augmentation de la puissance du laser conduit à l’apparition de structures spatiales entretenues par le bruit à des endroits et à des instants aléatoirement distribués. Les statistiques de distribution d’intensité de ces structures localisées sont similaires à celles des événements extrêmes ou ondes scélérates dans l’océan, c’est-à-dire que des pics d’intensité largement plus intenses que la moyenne du signal optique apparaissent rarement et spontanément dans ce système optique comme un vague scélérate apparait spontanément et rarement à la surface de l’océan.
L’étude de la propagation non-linéaire d’un faisceau d’Airy montre également des similitudes avec des expériences de gravitation: la lumière portée par le faisceau d’Airy défléchit dans le matériau photoréfractif comme la lumière provenant du soleil défléchit au voisinage d’une masse gravitationnelle. La force de l’effet photoréfractif joue un rôle similaire à la masse d’une planète dans une expérience de lentillage gravitationnel, ici envisagée à l’échelle d’un laboratoire.